La ligne de démarcation entre les opposants et les traîtres Par Mohamed Tahar Bensaada
12-01-2023 17:10De l’aveu du président de la république lui-même, le Hirak de 2019 a évité à l’Algérie de tomber dans une catastrophe sans nom. Les institutions de la république ont été prises en otage par un groupe au sommet de l’Etat qui n’avait aucun mandat constitutionnel et qui n’hésitait pas à s’entourer d’hommes d’affaires véreux et à s’allier à des cercles étrangers pour continuer à régner sur l’Algérie et à dilapider ses ressources. Reconnaître le rôle décisif du Hirak dans le sauvetage de l’Algérie revient à reconnaître le rôle du mouvement populaire dans l’action de redressement national en cours quelles que...
au sommet de l’Etat qui n’avait aucun mandat constitutionnel et qui n’hésitait pas à s’entourer d’hommes d’affaires véreux et à s’allier à des cercles étrangers pour continuer à régner sur l’Algérie et à dilapider ses ressources. Reconnaître le rôle décisif du Hirak dans le sauvetage de l’Algérie revient à reconnaître le rôle du mouvement populaire dans l’action de redressement national en cours quelles que soient par ailleurs les insuffisances constatées. Mais il n’en demeure pas moins qu’en descendant par millions dans les rues, le peuple a permis de dévoiler une réalité qu’il ne faut pas nier à savoir l’inconsistance de l’opposition en Algérie qui n’a jamais été à la hauteur des défis posés par le détournement de la fonction présidentielle par un pouvoir parallèle de type mafieux. Pourtant, un Etat moderne, quelle que soit sa nature et sa force, ne peut survivre que s’il peut compter sur une opposition digne de ce nom qui arrive à constituer un contre-pouvoir pour éviter les dérives autoritaires, corriger éventuellement le tir et redresser la barre quand c’est nécessaire. Le modèle de développement politique suivi par l’Algérie depuis l’accession à l’indépendance n’a pas permis l’émergence d’une pareille opposition. La période de parti unique, même si on pouvait comprendre l’autoritarisme du régime de l’époque qui misait sur l’ordre et la stabilité pour édifier l’Algérie, a étouffé toutes les voix qui pouvaient déranger le pouvoir en place et a hélas vidé la vie politique en cultivant notamment la dépolitisation de la jeunesse, l’opportunisme et la médiocrité. Le multipartisme qui a été instauré au lendemain des évènements d’octobre 1988 a été trop manipulé par le pouvoir pour donner lieu à une scène politique véritablement renouvelée. La décennie noire avec son cortège de massacres et de destructions n’a pas aidé à refonder une vie politique saine en Algérie. Les années Bouteflika ont ajouté à l’indigence politique la corruption généralisée mais aussi la précarisation de la classe moyenne qui ne pouvait dans ces conditions enfanter des élites capables de créer de véritables pôles d’opposition. Le Hirak a permis à l’Algérie d’éviter un cinquième mandat catastrophique mais il ne pouvait pas enfanter par miracle une nouvelle classe politique. Des patriotes intègres au sein de l’Etat ont permis à l’Algérie de sortir de cette crise avec un minimum de dégâts et ont entrepris de reconstruire le pays sur de nouvelles bases non sans de nouvelles dérives autoritaires. Le Hirak qui a été infiltré par des forces contre-révolutionnaires a failli être détourné de son objectif initial pour servir de cheval de Troie pour un groupement hétéroclite de forces politiques dont la collusion avec les puissances étrangères est un secret de polichinelle. C’est ce qui explique que la majorité populaire qui a composé l’essentiel du Hirak à ses débuts s’est vu obligée de rentrer à la maison en croyant à tort ou à raison qu’elle a accompli son devoir. Et c’est ce qui explique que la reconstruction du pays soit devenue avant tout une affaire de l’Etat. Le peuple est revenu à son statut de spectateur vigilant. Il attend les résultats de l’action du président Tebboune. Pourtant la participation active de la société à l’oeuvre de redressement s’avère indispensable si on ne veut pas connaître les mêmes déboires que par le passé. Cette participation de la société se fait généralement via les partis politiques, les syndicats et les associations de la société civile. Mais en Algérie force est de reconnaître qu’il y a un décalage inquiétant entre l’Etat et les différentes expressions politiques de la société. Les partis de la majorité (qui sont plus des partis du pouvoir que des partis au pouvoir) se contentent d’être les caisses de résonance du gouvernement. D’autres se contentent de communiqués de conjoncture à des occasions nationales. S’il est naturel de voir des partis légitimistes soutenir systématiquement l’action gouvernementale comme dans n’importe quel pays au monde, il est curieux de constater l’absence de partis d’opposition dignes de ce nom en Algérie. Certes, les partis islamistes, à leur tête le MSP et le mouvement El Bina, se permettent de temps à autre des critiques et des propositions mais sans préjuger de leur orientation idéologique et politique, cela reste bien en deçà des défis de l’heure. Les mouvements qui apparaissent faire vraiment de l’opposition comme le MAK ou le mouvement Rachad sont problématiques dans la mesure où leur positions respectives constituent une menace sérieuse pour l’ordre républicain et/ou l’unité nationale et leur connexion avec des capitales étrangères hostiles à l’Algérie est avérée depuis longtemps. Les partis berbéristes modérés comme le RCD et le FFS sont sérieusement bousculés par le MAK et sont en perte de vitesse dans leur région d’implantation historique et il n’est pas sûr que la politique de la chaise vide qu’ils ont choisie récemment leur redonnera la virginité politique recherchée. Les partis d’opposition doivent cesser de quémander au pouvoir des quotas dans les institutions, les administrations et les entreprises publiques. Un parti politique aspire naturellement au pouvoir, Pour cela il doit aller vers le peuple, pour faire connaître son programme et rechercher le soutien populaire. Ce n’est qu’après s’être acquitté de cette tâche qu’il peut espérer arriver au pouvoir par le suffrage populaire. En dehors de cette voie exigeante, les partis d’opposition se rabaissent aux magouilles qu’ils croient déceler dans la conduite du pouvoir qu’ils ne cessent de dénoncer. En pointant du doigt la faiblesse idéologique et politique des partis d’opposition, toutes tendances confondues, nous ne cherchons pas à leur dénier toute légitimité. Ils ont au moins le mérite d’exister dans des conditions qui ne sont pas toujours évidentes. A cet égard, le pouvoir serait bien avisé de cesser toutes les formes de harcèlement et de manipulation qui ont contribué finalement à l’affaiblissement de ces partis d’opposition dont le rôle dans l’édification nationale ne saurait être négligé sous peine de tomber dans les schémas passés qui failli coûter très à l’Algérie. Bien-sûr, le harcèlement dont font l’objet les partis d’opposition est souvent justifié par le pouvoir par des impératifs de sécurité nationale. Si on veut éviter les anathèmes et les accusations injustes, il convient de mettre les choses au point, à commencer par répondre à la question qui nous intéresse au plus haut point : quelle est la ligne de démarcation entre un opposant et un traître ? Certes, les partis d’opposition n’ont pas à se conformer à un quelconque devoir d’allégeance à l’égard du pouvoir. Les hommes qui dirigent les institutions de la république sont des mandataires de la nation, ils ne sont pas les propriétaires du pays. La seule chose qui doit rester interdite à tout opposant qui se respecte est l’intelligence avec l’étranger quelle qu’en soit la forme. La seconde chose qu’il s’agit de bannir de la pratique politique est cette propension qu’ont les groupes et organisations minoritaires d’inciter à la désobéissance et au désordre sous le prétexte fallacieux qu’ils sont en face d’un pouvoir « illégitime » d’où leur appel endémique à une « période transitoire ». Cette dernière s’apparente à un dangereux vide constitutionnel qui risque de favoriser l’intervention des puissances étrangères désireuses de renverser un régime souverainiste et social qui les dérange pour instaurer à sa place un régime vassal et néolibéral. L’Algérie a besoin plus que jamais d’une véritable opposition plurielle, enracinée dans la société, la géographie et l’histoire du pays. L’Etat n’a pas à avoir peur d’une telle opposition parce que le contre-pouvoir qu’elle est censée constituer sert à corriger les erreurs, à défendre les droits des citoyens et les intérêts stratégiques du pays. Quant aux traîtres qui n’hésitent pas à faire appel aux officines à la solde des puissances étrangères, une opposition véritable soucieuse de la stabilité et de la sécurité du pays devrait être la première à les dénoncer et à les combattre sur le terrain politique en laissant aux services de sécurité et à la Justice algérienne le soin de neutraliser leurs actes criminels sur le terrain du droit et sans jamais sortir du cadre de la loi. Mohamed Tahar Bensaada le 09 janvier 2023 Pour contacter l’auteur : [email protected]